La loi sur la transition énergétique adoptée. La distribution est en première ligne.

La loi sur la transition énergétique a été définitivement validée par le Conseil Constitutionnel le 13 août, à l’exception de quelques articles ne concernant pas directement les transports.

Cette loi comporte plusieurs volets dont celui des transports propres.

La grande distribution est montrée du doigt à plusieurs reprises dans ce texte notamment dans ce chapitre.

supermarché

Le secteur de la distribution se voit en effet imposer la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre liées au transport et à la logistique de 10% d’ici à 2020 et de 20% d’ici à 2025. Les entreprises de la distribution doivent communiquer à l’ADEME, avant fin 2016, leur plan d’action leur permettant d’atteindre ces objectifs.

Cette décision implique tout d’abord de mesurer, ce qui est déjà une obligation légale, pourtant pas toujours respectée ou effectuée de façon objective, l’impact carbone du transport et de la logistique.

Le chiffre conséquent de 10% en 5 ans impose pour la grande distribution la mise en œuvre d’actions rapidement opérationnelles. Cet article de la loi met en situation centrale le supply chain manager, qui a pour mission non seulement de gérer au mieux les flux générés par son entreprise, mais de mesurer et réduire l’impact carbone de façon significative, au risque de se trouver dans une situation délicate au regard de la loi.

Les moyens permettant d’atteindre cet objectif sont multiples.

Ils concernent tout d’abord l’optimisation des flux. Les groupes de distribution ont déjà largement engagé des actions dans ce sens en mettant en œuvre des solutions de pooling, en réorganisant leurs plates-formes afin de réduire les trajets et optimiser les chargements.

Un autre moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre est d’acheter plus près. L’achat local, concept qui trouve souvent l’adhésion des consommateurs, retrouve sa pertinence en réduisant les impacts transport. Pourquoi vendre des poires d’Argentine quand nous trouvons les mêmes en France ? Pourquoi faire fabriquer des vêtements en Chine lorsqu’un approvisionnement alternatif peut être trouvé en Europe ou dans le bassin méditerranéen (Maroc, Turquie, Tunisie) ? Raccourcir les transports amont et, mieux encore, utiliser des moyens alternatifs à la route permettront de tendre vers cet objectif. Utiliser le mode ferroviaire ou le transport fluvial peut permettre d’améliorer son bilan carbone.

Le troisième ensemble de solutions concerne la distribution du dernier kilomètre. Le choix de véhicules propres, électriques ou GNV (le GNV ayant cependant un effet limité sur l’impact carbone) peut constituer une solution intéressante. L’optimisation des livraisons à domicile et livraisons e-commerce constitue aussi un volet important d’optimisation sur des segments en forte croissance. De nombreuses solutions d’optimisation du dernier kilomètre et de la logistique urbaine sont présentées dans le livre « La logistique urbaine – les nouveaux modes de consommation et de livraison » Editions FYP.

Une chose est aujourd’hui certaine. La green logistics n’est plus un discours. Ce n’est plus seulement le moyen d’améliorer sa communication en mettant en évidence quelques expériences vertueuses, parfois limitées en impact. C’est aujourd’hui pour la distribution, alimentaire et non alimentaire une obligation légale.

Cette obligation touche à la fois aux sources d’approvisionnement, au positionnement et au dimensionnement des plates-formes, au transport amont et au transport du dernier kilomètre, vers les points de vente ou les consommateurs.

L’élément central sera sans aucun doute la mesure objective, effectuée par un tiers, permettant d’informer et de suivre régulièrement les progrès accomplis.

A l’heure de la transition énergétique, qui était la « Jamais Contente » ?

Pour ce qui concerne la mobilité des personnes et des marchandises, la loi sur la transition énergétique fait délibérément le choix de l’électrique.

Le texte voté hier en seconde lecture à l’Assemblée Nationale stipule notamment que l’Etat et ses établissements publics devront acquérir au moins 50% de véhicules à faibles émissions, c’est à dire électriques. Le taux pour les collectivités locales sera de 20%.

Peut-être faut-il s’étonner qu’il soit nécessaire de disposer d’une loi pour imposer à l’Etat des obligations !

La transition énergétique est pourtant en marche depuis … 1899.

En effet, à cette époque, l’ingénieur et coureur automobile belge Camille Jenatzy franchissait le cap des 100 km/h avec un véhicule électrique de sa conception, dénommé « La jamais contente ». Plus exactement, ce véhicule pulvérisa le record de l’époque, toujours en véhicule électrique, en atteignant 105, 98 km/h sur le parc agricole d’Achères.

Camille Jenatzy     220px-Jamais_contente      jamais contente

Ce curieux véhicule, en forme d’obus, a été construit par la compagnie générale belge des transports automobiles. Il était doté d’accumulateurs Fulmen (100 éléments de 2V).

Camille Jenatzy créera une usine de fiacres et de camionnettes électriques.

En 1899, il se vend plus de voitures électriques que de voitures à pétrole ou à vapeur.

La loi votée hier, 116 ans après cette performance technologique, nous montre que la mobilité n’est qu’une affaire de temps…

Quoi qu’il en soit, au-delà de l’aspect législatif, nombreux sont ceux qui attendront des mesures concrètes, urgentes. La transition, puisque c’est le terme adopté, ne sera possible que si les détenteurs de véhicules électriques, particuliers, collectivités locales et surtout entreprises de transport, bénéficient d’avantages significatifs. Un très timide premier pas est effectué en imaginant, sans plus de précisions, des  tarifs de péage autoroutier différenciés. Nous sommes vraisemblablement loin du compte. Imaginer un changement d’état d’esprit, mais surtout un choix d’investissement dans des technologies onéreuses, nécessitera des contreparties. L’Etat et les collectivités locales doivent impérativement trouver des moyens d’incitation aux pratiques vertueuses des entreprises qui font le choix de l’électrique.

L’utilisation des voies réservées aux véhicules électriques de livraison est une mesure simple qui pourrait aller dans le bon sens.

Les facilités offertes, sur le plan des horaires, de la vitesse, du stationnement, du coût de l’énergie, de la fiscalité peuvent compléter une palette d’avantages qui sera indispensable afin de développer cette filière. Les difficultés rencontrées par la société MUSES, remarquable fabricant français de véhicules de livraison électrique, témoignent de l’urgence de la situation.

Le principal risque de cette loi, à l’instar d’autres textes législatifs, est de tomber rapidement dans les méandres de l’oubli et de la complexité administrative.  La mise en œuvre de mesures concrètes devient alors nécessaire afin d’éviter que les entreprises ne soient « jamais contentes » !

Plus d’éléments dans mon livre « La Logistique Urbaine – les nouveaux modes de consommation et de livraison » Editions FYP.

livre logistique urbaine

Il y a consigne, consigne et consigne…

La langue de Voltaire nous offre des surprises toutes logistiques. La consigne…

La consigne, c’est pour certains d’entre nous un retour en arrière vers ce que nous appelons maintenant l’économie circulaire. Depuis les années 1920, les boissons vendues en bouteilles de verre ont fait l’objet d’un retour de l’emballage afin qu’elles soient lavées et réutilisées. La première huile Lesieur, en 1924, était vendue en bouteilles consignées. Le retour des bouteilles consignées a progressivement disparu à partir des années 1960, au profit d’abord d’un modèle consumériste, puis d’un modèle français de récupération et d’incinération.

A ce jour, environ 63% du verre est récupéré et recyclé dans un système que nous pouvons appeler d’économie « semi-circulaire ».

Le seul secteur dans lequel les bouteilles sont encore consignées en France est le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, pour les eaux et sodas.

Mais cette réutilisation efficace des emballages, même si elle implique un coût logistique et industriel, n’est pas encore entrée dans les mœurs, faute probablement de consigne, de loi. La consigne des bouteilles verre et PET existe dans tous les pays nordiques depuis longtemps et ne pose aucun problème.

L’économie circulaire a encore un long chemin à parcourir pour atteindre le niveau de performance de nos voisins de l’Est et du Nord de l’Europe.

Notre consigne actuelle, c’est la loi sur la transition énergétique. Changer d’énergie, sortir du diesel dont nous connaissons les effets dévastateurs pour aller vers d’autres énergies plus propres. Mais une loi ne suffira pas. Comme dans de nombreux autres domaines, le problème n’est pas la loi, c’est son application. Comment inciter les consommateurs, en période de crise, à acquérir des véhicules chers mais plus écologiques, alors que le prix de l’essence diminue et que le diesel est toujours moins cher que l’essence ?

La loi sur la transition énergétique est d’abord une ligne directrice pour les gouvernants. Nous avons en effet trop connu de lois environnementales non appliquées, soigneusement consignées au fond des placards ministériels et qui restent dans les esprits comme des effets d’annonce. Grenelle de l’environnement, loi sur l’air, Ecotaxe…

Notre troisième consigne, c’est celle qui révolutionnera les livraisons de l’e-commerce. Pour la première fois, les livraisons hors domicile, donc en point relais, en magasin  (click & collect), en consignes automatiques ou autre Pickup Store, ont dépassé en 2014 les livraisons directes.

L’internaute devient progressivement lui-même acteur du dernier kilomètre. L’augmentation sur un an de 11% du chiffre d’affaires de l’e-commerce et de 15% du nombre de commandes rend impératif la recherche de solutions alternatives à la livraison directe.

L’inauguration cette semaine du Pick Up Store de la gare St Lazare, après ceux d’Ermont Eaubonne et d’Evry constitue un maillon dans le développement d’un concept complémentaire à la consigne automatique, le bureau de ville. Un espace urbain moderne étudié pour le retrait et l’envoi de colis.

Les avantages des consignes automatiques907234 et bureaux de ville sont environnementaux et financiers. Il s’agit de points de consolidation des flux permettant une réduction de l’impact environnemental et par la même de points massifiés permettant de réduire sensiblement les coûts de la livraison.

Alors, la consigne ou le Pick Up Store, c’est d’abord une bonne affaire pour le citoyen et l’e-consommateur. Ne les consignons pas dans les placards !

Louis XI était-il un précurseur de la transition énergétique ?

Le roi Louis XI, qui ne vécut que 22 ans (1461-1483) a eu une importance logistique souvent méconnue. Roi autoritaire, mais aussi négociateur, voyageant dans son royaume jusqu’à tenter les bains de foules (déjà à l’époque !), s’opposant sans relâche à Charles le Téméraire, Louis XI nous intéresse pour un tout autre sujet.

Nous lui devons tout simplement la Poste. Il fut en effet le créateur du premier transport régulier de courrier.

timbre Louis XI

 

En effet, en 1479, il crée, en premier lieu pour sa propre utilité, la Poste Royale, ou plutôt le formidable réseau de relais de postes, tous les 28 kilomètres (7 lieues, d’où l’origine des bottes…), distance considérée comme maximale pour un courrier au galop, nécessitant alors un changement de monture. Cette organisation a ainsi nécessité des courriers, qui portent les missives et des relais de postes, qui gèrent les montures afin de permettre au service de fonctionner, de même que des postillons, pour gérer le retour des chevaux.

Plus tardivement, sous le règne d’Henri III, au XVIème siècle, on compta jusqu’à 250 relais de postes sur 14 itinéraires.

Ce formidable réseau, dont l’objectif unique était la transmission de l’information, nous rappelle qu’un réseau de transport est basé sur des principes simples :

1)      Un mode de transport (le cheval à cette époque)

2)      Une distance d’autonomie (28 kilomètres à l’époque)

3)      Des points de transit (les relais de postes)

4)      L’organisation du retour

Essayons alors de comparer ce modèle à celui du véhicule électrique, qui est, pour ce qui concerne les transports, le maillon central de l’actuel projet de loi sur la transition énergétique. L’exemple que nous pouvons prendre est celui de la Slovaquie, qui, par l’intermédiaire de l’entreprise Greenway, met en place un réseau de stations permettant de traverser le pays en véhicule électrique.

La principale ligne, liée à la géographique du pays, le traverse de l’Ouest en Est, de Bratislava à Kosice, soit 450 kilomètres. L’autonomie de 85 kilomètres nécessite la mise en place d’un réseau complet de stations, ce qu’a mis en place cette société. Ainsi, au travers de cette ligne principale et d’autres lignes transverses vers le sud du Pays, cette société, qui propose un service complet de mise à disposition de véhicules utilitaires électriques a mis en place quinze stations d’entretien et de charge rapide (25 minutes) et de changement de batteries (7 minutes) dans tout le pays.

Cet exemple est intéressant car il contredit le principe d’utilisation de la motorisation électrique uniquement sur de très courtes distances. Il a pour objectif de repousser les limites de la motorisation électrique. Même si l’utilisation sur de longues distances reste très complexe, l’existence d’un réseau bien structuré peut permettre d’élargir le rayon d’action des véhicules électriques.

Alors sommes-tous téméraires comme Charles, en imaginant la mobilité électrique ? Devons-nous réinventer les bottes de sept lieues pour parvenir à mettre en œuvre une transition énergétique souhaitée par tous ?

L’histoire nous rappelle que la volonté politique peut aboutir à de grandes réalisations. L’exemple slovaque nous montre aussi que la volonté entrepreneuriale, sans subventions, peut aussi aboutir à de belles réussites.

Qu’est-ce que la transition énergétique ?

Alors que les grandes lignes du projet de loi sur la transition énergétique ont été présentées hier, arrêtons-nous un instant sur la signification du terme « transition ».

Le dictionnaire historique de la langue française nous apprend que « transition » vient du latin « transitio » correspondant à « transir » : « action de passer, passage », mais aussi « défection (passage à l’ennemi) » et « contagion ». Il sert également à désigner un état intermédiaire.

Ces définitions du mot transition m’amènent alors à poser la question suivante :

Une transition énergétique ne serait-elle alors qu’une action temporaire, de passage, un état intermédiaire ? Le terme contagion prouverait que nous sommes malades. Peut-être est-ce en effet le cas. Si notre pays est vraiment malade de sa politique énergétique, cette loi devrait alors plus justement s’appeler loi sur la « contagion énergétique ».

Quoi qu’il en soit et en ce qui concerne la logistique urbaine, les éléments de la loi sont très généraux dans l’immédiat. Le fait majeur, évacué hors de cette loi, est l’écotaxe. Elle n’apparaît évidemment pas. Et pourtant, même si les dispositions de l’écotaxe ont été à juste titre largement critiquées, le principe de faire payer les pollueurs, notamment les camions étrangers qui « transitent » par notre pays (le terme « action de passer » est là parfaitement adapté, comme d’ailleurs la contagion), ne choque plus et n’est pas nouveau. Cette taxe devrait d’ailleurs s’appeler à plus juste titre « transitaxe ».

La logistique urbaine dispose d’un formidable potentiel pour un changement énergétique, avec la distribution électrique, mais aussi les cargocycles, les véhicules au GNV, la logistique à pied, le transfert modal par voie ferroviaire ou fluviale, la consolidation des flux, pour ne citer que quelques exemples.

Ne parler que du passage du diesel à l’électrique, est en ce qui concerne la logistique urbaine, réducteur. S’il est vrai que l’offre de véhicules électriques avec le très bel exemple de Muses, s’étend progressivement, les professionnels sont loin d’imaginer que les 98 000 véhicules qui entrent chaque jour dans Paris, pour ne parler que de cette ville, puissent être un jour électriques. La transition serait probablement l’hybride, qui permet de réduire sensiblement la consommation de diesel et les émissions de particules.

Les spécialistes, que je ne suis pas, ont dû calculer la puissance électrique supplémentaire qu’il faudrait générer. Le problème des batteries deviendrait également un sujet majeur.

Pour revenir à l’histoire, et puisque cette période de juin nous donne quelques signaux forts de souvenir de la Seconde Guerre Mondiale, rappelons que la « transition énergétique » vers le transport électrique a déjà eu lieu en cette période historique. En effet, si, le parc de véhicules électriques dans l’hexagone était de 1000 à la fin des années 1930, il est passé en quelques mois à 8000. De nombreux modèles sont apparus ou avaient été imaginés comme la VLV, construite par Peugeot ou un triporteur électrique conçu la société Paris-Rhône.

véhicule postal électrique pendant la seconde guerre mondiale

véhicule postal électrique pendant la seconde guerre mondiale

La principale raison de cette transition était à l’époque le manque de carburant.

La question qui se pose alors est de savoir si une loi est vraiment nécessaire afin d’inciter les constructeurs à imaginer des modèles et les professionnels à les acquérir et les utiliser.

L’état dispose en effet déjà de tous les leviers tant sur la fiscalité que sur la réglementation pour que cette « transition » ne devienne pas une « défection » et encore moins une « déception ».