Brassaï et la logistique urbaine…

Le Paris du photographe Brassaï, dont l’œuvre est présentée à l’Hôtel de Ville, nous, réserve quelques surprises.

Au milieu des émouvantes photos des Halles, se trouve cette belle photo du laitier. Le milkman des années 30, pas encore en camion électrique, mais bien présent à Paris.

Patrimoine oublié, il survit en Grande Bretagne, en élargissant la gamme de produits livrés : lait, mais aussi tous types de boissons. Peut-être connaîtrons-nous un jour un service de proximité de livraison de boissons, lait et autres produits achetés quotidiennement ou presque par les habitants? Brassaï - le livreur de lait

Le transport fluvial de marchandises dans Paris intramuros : une logistique urbaine durable avec une histoire.

La Seine à Bercy - Quai du Louvre -

Nous voyons avec beaucoup de satisfaction apparaître de très belles réalisations de logistique urbaine utilisant la voie d’eau, qui traverse Paris et permet d’accéder aux quartiers centraux sans utiliser les voies routières encombrées.

Depuis septembre 2012, Franprix charge quotidiennement des conteneurs sur une barge au port de Bonneuil-sur-Marne et les achemine au port de la Bourdonnais (7ème arrondissement, au pied de la tour Eiffel !). Ces conteneurs sont rechargés sur des remorques et acheminés vers les magasins. Ceci concerne 48 conteneurs par jour, donc autant de camions qui n’entrent pas dans Paris.

Autre expérience, celle de Vert Chez Vous, qui a mis en place une navette fluviale au départ du Port de Tolbiac, avec 5 arrêts au cœur de Paris.

Nous avons tous en mémoire les panneaux publicitaires montrant la Seine magnifiquement dégagée alors même que les voies routières urbaines sont encombrées.

Mais l’utilisation de la Seine pour acheminer les marchandises dans Paris n’est pas nouvelle. Elle a même une très longue histoire. Sous l’Ancien Régime, les études ont montré que 37% des denrées alimentaires (1780) à destination de Paris étaient acheminées par la Seine. Les bassins de la Loire et de la Seine communiquaient en utilisant les canaux d’Orléans, de Loing et de Briare.

Les écrits de l’époque font d’ailleurs état de problématiques d’encombrement des ports parisiens et de la nécessité de mettre en place une réglementation permettant d’améliorer la fluidité du trafic. Au milieu du 18ème siècle, 12 ports et quais sont répertoriés à l’intérieur de Paris, essentiellement rive droite, avec pour chaque emplacement une spécialisation en denrées.

La navigation fluviale, malgré ses nombreux aléas, jouait ainsi un rôle essentiel dans le dispositif d’approvisionnement de la capitale.

Ces rappels historiques peuvent nous aider à comprendre le potentiel dont Paris dispose pour assurer une distribution des marchandises plus respectueuse de l’environnement.

Nous ne pouvons que nous réjouir des différentes expériences allant dans ce sens.

Certes, le modèle économique n’est pas unique, mais les autorités, par la maîtrise des voies fluviales, des canaux et des ports, ont tous les outils pour convaincre les distributeurs et opérateurs de l’enjeu du transfert modal sur le réseau fluvial.

Un entrepôt tri-modal de 63 000 m² sur un terrain de 33 hectares au cœur de Paris ?

l'inventeur du projet d'entrepôt tri-modal des Halles

l’inventeur du projet d’entrepôt tri-modal des Halles

 

Nous ne sommes pas un premier avril… Mais cet entrepôt aurait pourtant bien pu exister.

Nous sommes en 1845. Une consultation est lancée pour la construction des Halles de Paris.

Plusieurs architectes y répondent et le projet de l’architecte Hector Horeau est écarté.

Bien sûr, il est utopique, quoi que…

Le bâtiment imaginé par Horeau était de 63 000 m² (150 m x 420 m) et situé au droit du quai de la Megisserie.

projet Halles Horeau

 

 

3 chemins de fer à double voie devaient relier les caves de cette halle, un au centre et un à chaque extrémité Est et Ouest. Ces 6 voies de chemin de fer, très proches de la Seine  et désservies par 2 doubles rampes aux extrémités Sud et Nord, étaient prévues pour faciliter l’approvisionnement et également pour l’évacuation des déchets des Halles. Hector Horeau avait prévu que les déchets des Halles soient poussés du rez-de-chaussée directement dans les waggons circulant sur le chemin de fer souterrain. La proximité de la Seine permettait d’utiliser le mode fluvial, en complément du réseau ferroviaire pour l’approvisionnement et également l’enlèvement des déchets.

L’utilisation de ces deux modes alternatifs avait pour objectif, dans le projet de Horeau, de réduire l’encombrement des Halles….

Ce projet visionnaire, oublié au profit de la réalisation, non moins novatrice, notamment sur le plan architectural, de Victor Baltard, était d’une conception tout à fait intéressante. Ainsi, dès le mileu du XIXe siècle, les plate-formes trimodales étaient déjà au cœur des préoccupations de certains architectes.

La logistique urbaine serait-elle donc une idée du 19ème siècle ?

Hôtels logistiques : l’exemple viendrait-il de Hong Kong ?

A l’heure où nous voyons apparaître à Paris des projets d’hôtels logistiques afin d’accueillir en ville des activités de livraison du dernier kilomètre (centres de distribution urbaine) mais aussi des activités e-commerce, il me semble que les réalisations sur d’autres continents doivent être observées et analysées.
L’exemple récent le plus frappant est celui de l’immeuble Interlink, réalisé par Goodman à Hong Kong. Bien sûr, Hong Kong n’est pas Paris et a d’autres particularités, mais l’observation de cette réalisation peut aider à la réflexion.
Cet immeuble de 24 étages développe une surface de 222 000 m² totalement dédiée aux activités logistiques. Rien ne semble avoir été oublié : rampes pour véhicules poids lourds, monte-charges, ascenseurs. La commercialisation de cet immeuble livré en 2012 s’est effectuée très rapidement auprès de sociétés internationales et locales. Il est vrai que cet immeuble bénéficie d’une localisation privilégiée, proche du port.
Cet immeuble constitue le 4ème entrepôt le plus grand de Hong Kong et le plus important réalisé lors des 10 dernières années.
Cette réalisation n’est bien sûr pas adaptée à Paris ni même probablement à aucune ville européenne, mais la construction de sites logistiques en étages (2,3 ou 4 étages) est peut-être une bonne solution pour de nombreuses activités : logistique du dernier kilomètre, logistique e-commerce pour des pure players (habillement, électronique grand public, etc…) qui n’ont généralement pas nécessité d’entrepôts en grande hauteur du fait du nombre de références à gérer (souvent plus de 100 000).
L’exemple d’Interlink nous montre que la mixité des activités, tertiaires, logistiques, commerciales, qui est parfois intégrée dans les projets d’hôtels logistiques n’est pas une nécessité. Il est certainement plus facile de faire cohabiter dans le même immeuble des activités d’une typologie très proche (transport et logistique) que de tenter la mixité d’activités avec chacune des contraintes d’exploitation ou administratives différentes. Mais il n’y pas probablement pas une réponse unique à la rareté du foncier et à la nécessité de préserver des espaces en ville pour les activités logistiques.
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Les livraisons à domicile… ne datent pas d’hier

                                                        Au Bon Marché - Livraisons à domicile                          livraison grand magasin

La livraison à domicile, notamment dans le cadre des achats sur internet ou des achats d’alimentation, est une des évolutions notables de la logistique urbaine.  Hervé Street, président de Stars Service, expliquait lors d’une conférence récente, que la livraison à domicile représente 400 000 tonnes par an. L’enjeu économique, mais aussi logistique, est donc énorme et ce service à la personne est en  pleine croissance dans les centres urbains notamment à Paris.

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                                                                         printemps Livraisons

Comme il est souvent le cas lorsque l’on parle de logistique urbaine, cette fonction logistique n’est pas nouvelle. Les commerces ont depuis longtemps apporté aux consommateurs ce service qui permet ainsi de fidéliser les clients.

Rappelons-nous des triporteurs Nicolas dans les années 60.

En remontant encore plus loin dans le temps,  les grands magasins créés durant la seconde moitié du 19ème siècle, par exemple les Grands Magasins du Louvre, le Bon Marché ou la Samaritaine, apportaient ce service et, comme en atteste les cartes postales de l’époque, de façon très étendue. Les cartes postales du début du 20ème siècle montraient des files ininterrompues d’attelages de livraison puis plus tard de voitures de livraison à domicile des marchandises achetées dans ces magasins. Il était même habituel à l’époque de se faire livrer ses achats effectués dans les grands magasins.

Le Bon Marché n’avait pas encore inventé le Drive … mais la notion de service, qui s’est progressivement estompée au profit de la notion de prix bas, était bien un des axes différenciateurs des Grand Magasins par rapport au commerce traditionnel de l’époque.

La notion de service à la personne, qui se situe au cœur même du principe de livraison à domicile, conçue pour des habitants essentiellement urbains et pas toujours véhiculés, a à la fois une histoire et un avenir. Sa croissance actuelle à un rythme rapide correspond à l’évolution de nos besoins de recherche de services, de facilité, et de gain de temps.

Une solution venant de Scandinavie pour la livraison à domicile des achats effectués sur internet

image mywaysVous achetez sur internet et n’êtes pas chez vous pour réceptionner les colis ? DHL vient de mettre en pratique, à Stockholm, une solution très originale par son concept, l’implication d’acteurs tiers et son fonctionnement. L’idée de MyWays (c’est le nom de cette plate-forme), part d’un principe simple :

  • – De nombreux internautes sont disposés à payer un peu plus pour se faire livrer à l’heure et le lieu qu’ils souhaitent
  • – De nombreux habitants (étudiants par exemple) sont prêts à effectuer ces livraisons moyennant une petite rémunération.

DHL a eu l’idée, actuellement en test pour un de ses clients (Addnature), de faire développer une application smartphone qui met en relation les demandes des internautes et les offres des « livreurs occasionnels ».

L’internaute indique lors de la passation de la commande le lieu, date et heure souhaitée de livraison (par exemple le soir), le prix qu’il est disposé à payer en complément. L’offre est publiée sur l’application mobile MyWays, à la disposition des personnes disposées à effectuer cette livraison. Le « livreur », abonné au service MyWays, se déclare, demande à récupérer le colis à un point DHL proche de chez lui et effectue la livraison.

Ce service, certes encore en test, est une vraie évolution (ou révolution) dans la livraison du dernier kilomètre, car il transforme les individus en livreurs et apporte ainsi un service aux internautes pour  la récupération du colis à l’horaire souhaité.

Il constitue également une évolution vertueuse dans le sens des services à la personne, mais aussi de création de petits jobs par exemple pour les étudiants, qui constituent la majorité des livreurs déclarés.

Cette expérience originale pose cependant de nombreux problèmes : responsabilité, assurance, suivi informatique de la livraison, gestion des souffrances. Le transport est un métier. Dans le cas présent, il est effectué par des non professionnels. Mais les avantages sont nombreux : réduction des nuisances environnementales, liens sociaux, service aux internautes.

Cette expérience tout à fait novatrice est-elle réalisable en France ? La situation de la France et notamment de Paris, n’est pas du tout comparable, sous de nombreux aspects, avec Stockholm. Mais ne nous arrêtons pas sur ces préjugés! La croissance exponentielle, au rythme de 20% par an, des achats sur internet nécessitera la recherche de solutions nouvelles. Celle-ci en est peut-être une, bien sûr basée sur la confiance. Mais c’est déjà le cas dans de nombreux cas, comme par exemple le covoiturage ou les achats sur Ebay.

https://www.myways.com/

La Canopée, une occasion rêvée pour la logistique urbaine à Paris…

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L’idée venait de Napoléon 1er, mais c’est son neveu, Louis Napoléon Bonaparte, Napoléon III, qui réalisa la construction des Halles de Paris. Plus exactement, le chantier avait débuté en 1847 et avait été interrompu par la révolution de février 1848. Napoléon III chargea son tout nouveau Préfet de la Seine, Georges Eugène Haussmann, de réaliser le projet.

Le grand visionnaire qu’était Napoléon III avait des idées très arrêtées sur l’architecture des Halles. « Ce sont de vastes parapluies qu’il me faut, rien de plus ». Napoléon III ne voulait pas de pierre. Il voulait du fer et du verre. C’est le cahier des charges que le baron Haussmann imposa à Victor Baltard, qui était plus habitué aux constructions en pierre, par son passé de Grand Prix de Rome.

C’est ainsi que les Halles de Paris, qui devaient à l’origine être desservies par un chemin de fer souterrain, furent réalisées. 6 pavillons de 2400 mètres carrés chacun, puis 4 autres pavillons de 2925 m² chacun, avec deux niveaux de caves, le tout sur un terrain d’environ 33 hectares.

Au cœur même de la distribution des marchandises dans Paris pendant un siècle, ce site est aujourd’hui à nouveau en chantier. Nous découvrons le chantier de La Canopée, réalisée par les architectes Patrick Berger et Jacques Anziutti. Le fer est bien là, le verre aussi. Le parapluie cher à Napoléon III est l’idée même de cet ouvrage. Les architectes ont ajoutés le bois.

Nous trouverons dans cet ensemble des commerces, une bibliothèque, un conservatoire et même un centre de hip hop. Mais qu’en est-il de la fonction de logistique urbaine ? Ce magnifique site au cœur de Paris aurait été une occasion parfaite pour y intégrer un Espace Logistique Urbain, permettant la desserte avec des moyens respectueux de l’environnement des quartiers centraux de la capitale.

Nous ne pouvons que regretter qu’au-delà de l’architecture de ce site exceptionnel, inspirée de l’histoire,  La Canopée ne reprenne pas, avec le décalage nécessaire dans le temps, l’idée de ce cœur de Paris voué à la logistique urbaine.