Pourquoi parlons-nous de logistique urbaine ?

 

Certains considèrent que parler de logistique urbaine est une mode. D’autre pensent que les problématiques sont réelles mais que jamais nous ne trouverons de solution pour désengorger les villes, réduire les externalités négatives, la pollution. Ce sont des pessimistes.

Depuis quelques temps, rares sont les supports soit professionnels, soit économiques qui, à un moment ou un autre, ne parlent pas de ce sujet, qui a pourtant été oublié pendant de très nombreuses années.

Les manifestations, colloques, conférences et autres débats sur le sujet se multiplient au point, à certains moments, de devoir choisir entre le fluvial et le ferroviaire…

Les supports de presse, les associations professionnelles, les clusters, les universités relaient, souvent avec beaucoup de talent, ces sujets. Les thèses, mémoires, études et autres livres blancs sur le sujet se multiplient.

Le dernier numéro du Journal de la Logistique vient d’ailleurs de publier un article sur la logistique urbaine et la grande distribution (article rédigé par Jérôme Libeskind et Juliette Collin)

jdl116Ce foisonnement d’idées, d’écrits, d’échanges est une chance à saisir. Jamais en effet ce sujet n’a autant focalisé les esprits.

Fort heureusement, la logistique urbaine n’est pas l’apanage des chercheurs, universitaires et journalistes, même si leur rôle d’initiative, de témoignage et de développement d’idées reste essentiel afin d’orienter les esprits et le débat d’idées.

Les professionnels du transport et de la logistique, de la grande distribution, innovent régulièrement dans ce domaine. Des startups se créent régulièrement autour de ces sujets et il faut en saluer le courage, dans la période de crise économique que nous connaissons.

On découvre que les modèles en place ou les analyses effectuées lors de la dernière décennie sont profondément modifiés par l’évolution de la consommation, tant du fait de l’e-commerce, de la livraison à domicile que des prémices de la consommation collaborative.

Dans ce schéma, ce n’est plus le magasin qui décide, mais le consommateur ! De ce fait, plus rien ne fonctionne comme avant. L’e-commerce a transformé le consommateur que nous sommes en acteur. Il ne vient plus « passivement » dans un magasin acheter et emporter son produit. Il choisit ce qu’il veut acheter, parmi un nombre beaucoup plus important de commerçants, avec des comparateurs de prix et surtout des solutions diverses de livraison, à des prix également différents. Il peut, plus qu’avant, acheter à des particuliers (le C to C).

S’il n’est pas satisfait, il renvoie le produit, le plus normalement du monde, et attend son remboursement.

Mais les problèmes les plus basiques sont toujours présents : le camion qui livre ne sais pas où stationner, il livre souvent un destinataire absent, il met toujours autant de temps, voire plus, pour effectuer ses livraisons, il pollue souvent toujours autant, il se plaint d’une réglementation contraignante et mal appliquée, souvent méconnue.

La logistique urbaine, dont l’objectif est d’améliorer cette chaîne complexe de distribution des marchandises dans les villes, est en fait un ensemble de solutions qui fait partie du périmètre de la mobilité dans les villes et de leur attractivité.

Elle touche aux transports et à la logistique, à l’urbanisme, à l’écologie et à la consommation. Chaque ville étant différente, il n’y a pas de solution unique mais des solutions adaptées aux problématiques de chaque agglomération.

La suroffre de messages autour de ce sujet est une chance à saisir ! Elle a pour but de sensibiliser les différents acteurs de la chaîne et en premier lieu les acteurs politiques, sans qui rien ou presque ne peut être imaginé et mis en œuvre.

Alstom et le tramfret : une école française ?

L’expérience mondiale d’Alstom dans la construction de tramways est actuellement exposée au Lieu du Design, 74 rue du Faubourg-Saint-Antoine, à Paris. Le thème de cette exposition « Tramway : une école française » interpelle.

DSC_0065Alstom y expose ses remarquables réalisations ou projets, de Casablanca à Dubaï, en passant par de très nombreuses villes françaises. Personne ne mettra en doute les qualités de cette entreprise dans la réalisation de réseaux de tramway, dont nous venons de sauver l’appartenance nationale, au moins partiellement.

L’exposition nous parle aussi de l’histoire du tramway, qui était un moyen de transport utilisé beaucoup plus largement qu’aujourd’hui au début du 20ème siècle.

Cette exposition nous explique de façon détaillée les problématiques de design, de bruit, d’abris, d’intégration urbaine, de gestion des températures extrêmes dans certains pays.

Nous pouvons cependant nous étonner que l’utilisation des réseaux de tramway pour la distribution des marchandises dans les villes soit quasiment occultée.

Seul le terme « tramfret » apparaît très brièvement dans un film sur la ville durable, sans autre explication.

L’implication forte de l’état dans Alstom constitue une formidable opportunité pour cette entreprise d’imaginer le tramway marchandises de demain et d’offrir aux villes françaises et européenne un outil nouveau de distribution urbaine des marchandises.

Si le tramway est véritablement une « école française », ainsi que l’exposition tente de nous l’expliquer, l’absence de perspective sur ce sujet majeur peut paraître étonnante et décalée par rapport au véritable discours sur la ville durable.

La mobilité dans les villes ne concerne pas que les voyageurs, mais également les marchandises.

Le marché naissant autour des voitures de transport du fret sur les réseaux de tramway, actuellement à l’étude dans différentes villes, constitue une chance pour Alstom, en recherche de développements et de nouveaux produits.

Après le feuilleton du début de l’été, Alstom a sur ce sujet précis une opportunité exceptionnelle de servir la logistique urbaine dans les villes de demain et de créer une véritable « école française du tramfret ».

Louis XI était-il un précurseur de la transition énergétique ?

Le roi Louis XI, qui ne vécut que 22 ans (1461-1483) a eu une importance logistique souvent méconnue. Roi autoritaire, mais aussi négociateur, voyageant dans son royaume jusqu’à tenter les bains de foules (déjà à l’époque !), s’opposant sans relâche à Charles le Téméraire, Louis XI nous intéresse pour un tout autre sujet.

Nous lui devons tout simplement la Poste. Il fut en effet le créateur du premier transport régulier de courrier.

timbre Louis XI

 

En effet, en 1479, il crée, en premier lieu pour sa propre utilité, la Poste Royale, ou plutôt le formidable réseau de relais de postes, tous les 28 kilomètres (7 lieues, d’où l’origine des bottes…), distance considérée comme maximale pour un courrier au galop, nécessitant alors un changement de monture. Cette organisation a ainsi nécessité des courriers, qui portent les missives et des relais de postes, qui gèrent les montures afin de permettre au service de fonctionner, de même que des postillons, pour gérer le retour des chevaux.

Plus tardivement, sous le règne d’Henri III, au XVIème siècle, on compta jusqu’à 250 relais de postes sur 14 itinéraires.

Ce formidable réseau, dont l’objectif unique était la transmission de l’information, nous rappelle qu’un réseau de transport est basé sur des principes simples :

1)      Un mode de transport (le cheval à cette époque)

2)      Une distance d’autonomie (28 kilomètres à l’époque)

3)      Des points de transit (les relais de postes)

4)      L’organisation du retour

Essayons alors de comparer ce modèle à celui du véhicule électrique, qui est, pour ce qui concerne les transports, le maillon central de l’actuel projet de loi sur la transition énergétique. L’exemple que nous pouvons prendre est celui de la Slovaquie, qui, par l’intermédiaire de l’entreprise Greenway, met en place un réseau de stations permettant de traverser le pays en véhicule électrique.

La principale ligne, liée à la géographique du pays, le traverse de l’Ouest en Est, de Bratislava à Kosice, soit 450 kilomètres. L’autonomie de 85 kilomètres nécessite la mise en place d’un réseau complet de stations, ce qu’a mis en place cette société. Ainsi, au travers de cette ligne principale et d’autres lignes transverses vers le sud du Pays, cette société, qui propose un service complet de mise à disposition de véhicules utilitaires électriques a mis en place quinze stations d’entretien et de charge rapide (25 minutes) et de changement de batteries (7 minutes) dans tout le pays.

Cet exemple est intéressant car il contredit le principe d’utilisation de la motorisation électrique uniquement sur de très courtes distances. Il a pour objectif de repousser les limites de la motorisation électrique. Même si l’utilisation sur de longues distances reste très complexe, l’existence d’un réseau bien structuré peut permettre d’élargir le rayon d’action des véhicules électriques.

Alors sommes-tous téméraires comme Charles, en imaginant la mobilité électrique ? Devons-nous réinventer les bottes de sept lieues pour parvenir à mettre en œuvre une transition énergétique souhaitée par tous ?

L’histoire nous rappelle que la volonté politique peut aboutir à de grandes réalisations. L’exemple slovaque nous montre aussi que la volonté entrepreneuriale, sans subventions, peut aussi aboutir à de belles réussites.

Qu’est-ce que la transition énergétique ?

Alors que les grandes lignes du projet de loi sur la transition énergétique ont été présentées hier, arrêtons-nous un instant sur la signification du terme « transition ».

Le dictionnaire historique de la langue française nous apprend que « transition » vient du latin « transitio » correspondant à « transir » : « action de passer, passage », mais aussi « défection (passage à l’ennemi) » et « contagion ». Il sert également à désigner un état intermédiaire.

Ces définitions du mot transition m’amènent alors à poser la question suivante :

Une transition énergétique ne serait-elle alors qu’une action temporaire, de passage, un état intermédiaire ? Le terme contagion prouverait que nous sommes malades. Peut-être est-ce en effet le cas. Si notre pays est vraiment malade de sa politique énergétique, cette loi devrait alors plus justement s’appeler loi sur la « contagion énergétique ».

Quoi qu’il en soit et en ce qui concerne la logistique urbaine, les éléments de la loi sont très généraux dans l’immédiat. Le fait majeur, évacué hors de cette loi, est l’écotaxe. Elle n’apparaît évidemment pas. Et pourtant, même si les dispositions de l’écotaxe ont été à juste titre largement critiquées, le principe de faire payer les pollueurs, notamment les camions étrangers qui « transitent » par notre pays (le terme « action de passer » est là parfaitement adapté, comme d’ailleurs la contagion), ne choque plus et n’est pas nouveau. Cette taxe devrait d’ailleurs s’appeler à plus juste titre « transitaxe ».

La logistique urbaine dispose d’un formidable potentiel pour un changement énergétique, avec la distribution électrique, mais aussi les cargocycles, les véhicules au GNV, la logistique à pied, le transfert modal par voie ferroviaire ou fluviale, la consolidation des flux, pour ne citer que quelques exemples.

Ne parler que du passage du diesel à l’électrique, est en ce qui concerne la logistique urbaine, réducteur. S’il est vrai que l’offre de véhicules électriques avec le très bel exemple de Muses, s’étend progressivement, les professionnels sont loin d’imaginer que les 98 000 véhicules qui entrent chaque jour dans Paris, pour ne parler que de cette ville, puissent être un jour électriques. La transition serait probablement l’hybride, qui permet de réduire sensiblement la consommation de diesel et les émissions de particules.

Les spécialistes, que je ne suis pas, ont dû calculer la puissance électrique supplémentaire qu’il faudrait générer. Le problème des batteries deviendrait également un sujet majeur.

Pour revenir à l’histoire, et puisque cette période de juin nous donne quelques signaux forts de souvenir de la Seconde Guerre Mondiale, rappelons que la « transition énergétique » vers le transport électrique a déjà eu lieu en cette période historique. En effet, si, le parc de véhicules électriques dans l’hexagone était de 1000 à la fin des années 1930, il est passé en quelques mois à 8000. De nombreux modèles sont apparus ou avaient été imaginés comme la VLV, construite par Peugeot ou un triporteur électrique conçu la société Paris-Rhône.

véhicule postal électrique pendant la seconde guerre mondiale

véhicule postal électrique pendant la seconde guerre mondiale

La principale raison de cette transition était à l’époque le manque de carburant.

La question qui se pose alors est de savoir si une loi est vraiment nécessaire afin d’inciter les constructeurs à imaginer des modèles et les professionnels à les acquérir et les utiliser.

L’état dispose en effet déjà de tous les leviers tant sur la fiscalité que sur la réglementation pour que cette « transition » ne devienne pas une « défection » et encore moins une « déception ».

Le ferroviaire pour la logistique urbaine à Paris. Une opportunité pour la transition énergétique ?

Revue Générale des Chemins de Fer – Juin 2014

Un article sur ce sujet, co-rédigé par Jérôme Libeskind et Juliette Collin, vient d’être publié dans le numéro de juin 2014 de la Revue Générale des Chemins de Fer.

Cet article revient sur l’utilisation passée de la voie ferrée et l’importance qu’elle occupait dans la distribution des marchandises et l’approvisionnement de la capitale. Elle explique de façon détaillée la principale réalisation des dernières années concernant la distribution des magasins Monoprix et présente les perspectives nouvelles et opportunités permettant de réaliser de nouveaux projets sur le même principe.

Malgré les conflits sociaux actuels, qui ne concernent d’ailleurs pas les opérateurs autres que la SNCF, le transfert modal au profit du rail permet de réduire sensiblement le nombre de camions dans les villes et donc les externalités négatives consécutives au transport de marchandises.

Acheminer les marchandises dans les villes avec d’autres moyens que le camion est une des solutions essentielles qu’apporte la logistique urbaine. Les solutions sont multiples : le ferroviaire, le tramway, la voie d’eau sur la Seine ou les canaux.

Cet article s’intéresse à un  des axes possibles de transfert modal : la voie ferrée. Paris a la chance de disposer encore d’opportunités exceptionnelles qu’il est impératif de conserver et de mettre en valeur.

Vivrons-nous dans une société de proximité ?

Dans le passé, tout se passait dans notre village, notre quartier. Nous y habitions, y faisions nos achats, et souvent y travaillions. Nous aimions nos commerces de quartier, notre marché, notre boucher, notre épicier… Nous achetions des produits locaux et savions d’où ils provenaient. Nous avions notre cinéma de quartier, nos restaurants de quartier, nos amis et souvent notre travail. Nous connaissions nos voisins.image proximité

Evidemment, tout a changé. Notre modèle d’avant la mondialisation est rétro, voire ringard. Le travail est souvent très éloigné de notre domicile. Nous prenons notre véhicule pour faire nos courses, souvent de plus en plus loin. Les produits que nous achetons viennent de loin, parfois de l’autre bout du monde. Nous partons pour quelques jours très loin. Les déplacements sont faciles. Nos amis sont dans le monde entier… Notre spectacle est en ce moment au Brésil … Nos enfants étudient à l’étranger… Nous achetons sur internet sans trop savoir où se trouvent les produits et encore moins où ils sont fabriqués et dans quelles conditions. Ce n’est pas seulement l’économie qui est mondialisée mais notre vie toute entière, avec les avantages mais aussi les problèmes tant économiques qu’environnementaux que nous constatons quotidiennement.

Nous sommes dans une économie de mobilité. Mobilité physique, mobilité des marchandises, mobilité numérique.

Ce modèle a cependant des limites et nous constatons de nombreux éléments qui ont tendance à nous faire suivre progressivement un autre chemin ou à permettre une adaptation de ce modèle.

Pour se limiter aux aspects logistiques de cette analyse, je m’intéresserais tout d’abord aux circuits courts.

Les circuits courts, essentiellement développés dans le secteur des fruits et légumes, ont pour objectif de mettre en relation directement un producteur avec des consommateurs finaux de proximité. Pas d’intermédiaires. Peu de transport et une garantie pour le consommateur de produits provenant d’un producteur connu et proche de chez eux. Le développement exceptionnel de ce mode de distribution montre l’intérêt croissant des consommateurs pour la proximité et leur prise de conscience de l’intérêt de l’achat proche de chez soi.

Dans un tout autre domaine, nous constatons dans les centres villes et notamment à Paris le développement de commerces d’un type nouveau, proche de chez nous. Les petites surfaces de vente de proximité sur le modèle des Monop’, se développent sous plusieurs enseignes et créent une nouvelle offre de produits proche de chez nous. Certaines études, comme celle récente de Frost & Sullivan, prévoient une réduction de 15 à 20% de la taille moyenne des magasins. Ces magasins de proximité participent à ce mouvement.

Sur le plan du commerce numérique, le fort développement annoncé du « ship from store » donne clairement une importance nouvelle au magasin physique, qui pourra ainsi trouver sa place dans l’univers de l’économie numérique. Nous achetons sur internet, de notre mobile ou de notre tablette, mais le produit provient de notre magasin de proximité. Nous n’avons pas le complexe de participer directement ou indirectement, à la fermeture annoncée de notre libraire ou de notre quincailler préféré. Nous lui donnons un autre avenir que celui d’être uniquement un point relais pour la réception de colis achetés X ou Y.com…

Dans tous ces domaines, la livraison urbaine de proximité jouera un rôle essentiel. Les consommateurs retrouveront notre triporteur des années 1960, les livraisons à vélo ou en petits véhicules urbains de proximité, voire des modèles de livraison à pied dans les villes.

Ainsi proximité et logistique urbaine constituent des enjeux complémentaires qui participeront à l’évolution de notre mode de consommation plus responsable.

La logistique urbaine a aussi un passé architectural

Alors que la protection de notre patrimoine est au cœur de nos préoccupations, intéressons-nous au patrimoine de la logistique urbaine.

Le 20ème siècle a vu se réaliser en région parisienne, à différentes périodes, des ensembles impressionnants, témoins d’une époque, mais aussi de la présence de la logistique en ville, que de nombreux acteurs tentent aujourd’hui de retrouver dans une logique de distribution cohérente et vertueuse de la ville.

Dans les années 1920, des réalisations remarquables, utilisées pendant des décennies pour la logistique urbaine, ont été sauvegardées, mais avec des optiques différentes de celle de la logistique urbaine. C’est par exemple le cas de la Halle Fressinet.

Les années d’après-guerre (1950) ont été la période de construction de certains grands sites comme celui du Citrail à Pantin.

Les années 1960 ont été marquées par la création des gares routières, Garonor au Nord de Paris et Sogaris au Sud.

Les années 1970 ont vu la réalisation dans Paris de réalisations plus contestées, malgré leur utilité pendant des décennies sur le plan de la distribution de Paris : les entrepôts Ney et Macdonald. Ce dernier fait l’objet d’une restructuration impressionnante mais en modifiant également son orientation vers la logistique urbaine.

Il m’a semblé intéressant de regarder quelques une de ces réalisations sur un plan du patrimoine architectural.

Le premier bâtiment de Garonor a été construit par un architecte de grand renom, Bernard Zehrfuss.

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Bernard Zehrfuss

Cet architecte est connu pour la construction du CNIT à la Défense ou des bâtiments de l’Unesco à Paris. Il l’est moins pour la réalisation du plus grand bâtiment de Garonor, qui a su pendant des décennies, caractériser cette plate-forme dédiée à la logistique urbaine. Si le côté opérationnel de ce bâtiment est loin de correspondre aux standards actuels, la rénovation de ce site, en conservant son originalité et sa puissance architecturale pourrait être une opportunité afin de conserver ce caractère innovant des années 1960.

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Bâtiment 1 de Garonor

La gare routière Sogaris (puisque c’était à cette époque son nom), a été construite par deux architectes qui ont également une place significative dans l’architecture industrielle et à qui il convient de rendre hommage : Reymond Luthi, décédé en 2010 et Olivier Vaudou. Ces deux architectes ont été collaborateurs de l’architecte Jean Dubuisson et sont intervenus sur de nombreux projets industriels et tertiaires notamment dans les années 1980. L’architecture des gares routières est caractéristique de cette époque qui était marquée par le modernisme mais aussi le caractère fonctionnel et structurant.

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Bâtiment T de Sogaris

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Gares routières, anciens sites Sernam ou SNCF, entrepôts des Maréchaux, ces sites sont caractéristiques de cette époque que les professionnels commencent à regretter : l’existence de structures logistiques en ville, à l’intérieur même de Paris ou en proximité immédiate, afin d’organiser de façon rationnelle la distribution du dernier kilomètre. Souvent des « hôtels logistiques » avant l’heure.

Souhaitons que ces nombreux témoins de notre patrimoine architectural, dont le positionnement pour la logistique urbaine est plus que jamais pertinent, puissent continuer à servir l’agglomération parisienne dans sa fonction essentielle d’approvisionnement

Uber et contre tous

uber

Uber est connu comme l’ennemi des taxis qui manifestent régulièrement et à nouveau demain. Il est vrai que le modèle d’Uber bouleverse les schémas en place et perturbe.

En fait, la déferlante Uber pourrait dépasser très largement l’enjeu des taxis. Uber, valorisé à un chiffre record 17 milliards $ (Facebook est à 50 milliards $…), voit beaucoup plus loin. Il teste actuellement la livraison en course B to C à New York.

Les chauffeurs sont pour partie des particuliers (le service Uberpop), ce qui est autorisé dans de nombreux pays. En France, le transport de marchandises est une activité réglementée, donc en principe interdite au modèle Uberpop.

Il existe cependant des failles. Tout d’abord, les livraisons urbaines à pied (en utilisant les transports en commun) ou à vélo ne sont pas concernées, l’attestation de capacité concernant des véhicules motorisés. Une assistance électrique n’est pas un moteur. Ce mode de transport, à pied ou en vélo est d’ailleurs utilisé par Uber à New York. Il s’agit évidemment de colis de taille modeste.

Au-delà de l’aspect réglementaire, le transport de colis dans une voiture s’apparente à du covoiturage, qui est bien entendu légal et même encouragé pour des raisons écologiques et économiques.

Les mêmes raisons peuvent inciter un développement de covoiturage de colis. En effet, les technologies actuelles à partir de géolocalisation, qui sont le fondement du modèle Uber, permettent d’optimiser les trajets en recherchant le véhicule le plus proche et de réaliser des livraisons en théorie de façon rationnelle.

Se pose alors un problème juridique qui peut avoir des conséquences significatives. Comment est-il possible d’imaginer que le transport de personnes par covoiturage soit parfaitement légal, ce qui est évidemment le cas, alors que le covoiturage de colis ne le serait pas ?

Le modèle Uber a un mérite essentiel. Il nous incite à réfléchir à la pertinence de nos modèles. Si des règles doivent évoluer, elles sont probablement plus environnementales que protectionnistes.

Alors aidons le modèle Uber à se développer en France, mais en lui imposant des règles de protection environnementale et sociétale. S’il nous aide à réduire la congestion des villes, c’est OUI. S’il nous aide à réduire la pollution des villes, c’est OUI. S’il nous aide à améliorer la fluidité des centres urbains, c’est OUI. Si c’est simplement une concurrence déloyale sans apport nouveau, alors soyons vigilants.

La déprofessionnalisation du transport de personnes au travers du covoiturage pourrait-elle être étendue aux marchandises sans risques ?

Ce que l’on peut reprocher sur le sujet Uber, c’est la réglementation après coup. Concernant les marchandises et le dernier kilomètre nous savons d’ores et déjà que le sujet arrivera tôt ou tard à l’initiative d’Uber ou d’un autre groupe utilisant le même modèle. Alors commençons à réfléchir aux nouveaux modèles et aux avantages que nous pourrions trouver sur le plan de la livraison urbaine et de l’environnement. Et n’attendons pas Uber pour les mettre en œuvre si c’est un progrès !

Le D-Day, c’est aussi le Jour J

Il y a 30 ans, en 1984 (pas le 6 juin mais le 1er mars), la Redoute inventait le 48 h Chrono. Un vrai évènement. Pouvoir commander sur un catalogue un article et être livré en 48 heures. Nous étions à l’époque de la messagerie rapide. « Rapide », c’était 3 à 5 jours. La Redoute était un pionnier en inventant le 48 heures toute France. N’oublions pas qu’à cette époque, pour certains pas si lointaine, la France n’était pas couverte d’autoroutes.

Ce slogan du 48 h chrono est d’ailleurs resté attaché à la marque, comme le contrat de confiance pour Darty.

Ce délai était un pari fou. Livrer la Lozère ou les stations des Alpes en 48 heures avec de surcroît un engagement incroyable, que personne n’oserait tenir actuellement : « on vous livre en 48 heures ou on vous l’offre ».

la redouteSi l’histoire dit vrai, sur les 10 000 premières livraisons, une seule n’a pas respecté cet engagement.

Cette étape de la logistique que nous commémorons cette année nous apprend plusieurs faits.

Tout d’abord, le respect de l’engagement est plus fort que le délai. C’est cet engagement qui a probablement été une des clés de la réussite de La Redoute à cette époque.

Autre point, nous considérions à l’époque ce délai de 48 heures entre la commande (d’ailleurs souvent par courrier – le Minitel venait tout juste d’apparaître) et la livraison comme un exploit. Les points relais commençaient tout juste à apparaître, facilitant le respect de cet engagement.

Avec le recul et le développement de l’e-commerce, nous vivons une incroyable accélération des flux. L’enjeu devient le Jour J. Commander le matin et être livré le soir, ceci dans toutes les grandes villes.

Evidemment, cela nécessite des organisations différentes.

Certains services, qui utilisent le stock de magasins physiques, proposent des livraisons encore plus courte, de 2 ou 3 heures seulement.

Mais qui prendra l’engagement de rembourser le prix de la marchandise en cas de non-respect du délai ?

C’est pourtant cet engagement du commerçant, non seulement sur la préparation, mais sur le transport, qui a fait sa réussite pendant des décennies.

Le consommateur ne se contente pas d’un délai approximatif. Il est disposé à payer pour la certitude d’un service parfait. Si la SOGEP savait le faire il y a 30 ans, pourquoi ne pourrions-nous pas actuellement imaginer de le faire aujourd’hui ?

Ce retard de seulement 1 sur 10 000, qui se rapproche du taux presque parfait des Dabbawalas de Bombay, aujourd’hui totalement utopique malgré l’industrialisation poussée des réseaux de transport, nous montre l’objectif à atteindre.

Jour J, 24 h ou 48 h, l’important pour l’internaute, c’est le respect de l’engagement pris. C’est probablement cela le contrat de confiance entre l’internaute et l’e-marchand !

 

ZAPA or not ZAPA : that is the question

air de ParisL’Atelier Parisien d’Urbanisme a récemment publié une note de synthèse que la qualité de l’air dans la métropole francilienne et sur l’opportunité de création d’une ZAPA.

Cette note très précise résume l’ensemble des travaux sur le sujets et conclu à une inadéquation du principe d’une ZAPA pour de nombreuses raisons, réglementaires, sociales et socio-économiques.

C’est un remarquable travail qu’il faut saluer et qui montre que, sur ce sujet, les idées reçues ne sont pas nécessairement celles qui se concrétisent.

Cette étude, que j’incite à lire et analyser, mérite cependant des arguments contradictoires. Il n’y a en effet, sur ce sujet, pas de pensée unique. Tant mieux !

http://www.apur.org/etude/qualite-air-metropole-francilienne

Le premier sujet est le périmètre d’étude. Paris, Paris + Plaine Commune, A 86 (soit 76 communes). Evidemment, la complexité de mise en œuvre et l’impact ne sont pas du tout les mêmes. Limiter une réglementation à Paris intramuros aurait en effet comme impact de reporter une partie du trafic à la périphérie. Ceci reste cependant à vérifier. Un péage urbain aurait sans aucun doute un impact de report de trafic ; par contre, une ZAPA, qui ne vise pas à faire payer, mais à interdire, aurait peut-être moins d’impact de report de trafic à l’extérieur même de la zone concernée.

Si élargir le projet à 76 communes est sans aucun doute, ainsi que l’APUR le mentionne, une œuvre titanesque, nous ne devons pas nous arrêter à ces obstacles. Nous sommes à l’époque de la « dé-millefeuillisation » de l’administration ! La santé des habitants, car c’est l’enjeu de la ZAPA, ne peut pas s’arrêter à une complexité administrative, même réelle.

Le sujet suivant, social est tout à fait intéressant. Il est clairement indiqué dans cette étude que les véhicules les plus anciens sont ceux qui roulent le moins (donc polluent le moins) et appartiennent principalement aux classes sociales défavorisées.

On peut alors se poser la question de différencier les véhicules particuliers des véhicules utilitaires et poids lourds. Il n’est en effet pas concevable de pointer du doigt les véhicules des classes les plus défavorisées. La question de l’utilisation professionnelle des véhicules dans la région parisienne est très différente. L’étude de l’APUR nous explique que 71% des véhicules PL et 39% des VUL qui circulent ont une classification Euro 2 ou moins et sont donc très polluants.

Les chiffres mentionnés dans l’étude montrent donc que la situation est alarmante. Si, bien entendu, il est tout à fait impossible d’imaginer d’interdire un tel pourcentage de véhicules, une politique active de renouvellement du parc est nécessaire. Dans ces 71% et 39%, nous allons retrouver des petits transporteurs, déménageurs, entreprises de travaux, artisans, mais aussi probablement des groupes plus importants et sans aucun doute de nombreuses entreprises qui travaillent en sous-traitance pour des groupes importants.

Les conclusions de l’étude, même si elles sont techniquement justes, sont-elles politiquement et socialement correctes ?

S’il est vrai qu’une Low Emission Zone ou ZAPA est complexe à mettre en œuvre, présente un intérêt environnemental en théorie réduit, cela reste de toute façon le sens de l’histoire dans les grandes villes. La France est un des rares pays européens à ne pas avoir encore pris de mesure dans ce sens. Certaines villes comme Milan vont bien plus loin en mettant en place un péage urbain afin de décongestionner le centre-ville. Le péage urbain de Milan a fait l’objet d’un référendum approuvé par 80% de la population!

C’est alors le rôle des responsables politiques de prendre les décisions d’orientation, quitte à adapter les dispositifs, comme cela semble nécessaire à la lecture de cette étude, à les aménager pour qu’ils soient réalistes et socialement acceptables.

Un premier pas dans ce sens, même si l’impact réel restera faible, constituerait un effet déclencheur important et une prise de conscience des professionnels, qui prendront en compte cet élément dans leurs appels d’offres, leurs choix de prestataires, de sous-traitants.